Québec (Canada), Lorsque nous voyons un membre âgé de la famille manipuler une volumineuse boîte de médicaments triés par jour de la semaine, nous pourrions nous arrêter et nous demander : est-ce trop ? Comment toutes ces pilules interagissent-elles ?

Le fait est qu’en vieillissant, nous sommes plus susceptibles de développer différentes maladies chroniques qui nécessitent la prise de plusieurs médicaments différents. C’est ce qu’on appelle la polypharmacie. Le concept s’applique aux personnes prenant cinq médicaments ou plus, mais il existe toutes sortes de définitions avec des seuils différents (par exemple quatre, 10 ou 15 médicaments).

Je suis pharmacien et pharmacoépidémiologiste intéressé par la polypharmacie et son impact sur la population. Les recherches que je mène avec mon équipe de la Faculté de pharmacie de l'Université Laval portent sur l'usage approprié des médicaments par les membres âgés de la famille. Nous avons publié cette étude sur les perceptions des personnes âgées, des aidants familiaux et des cliniciens sur l'usage des médicaments chez les personnes de plus de 65 ans.Polypharmacie chez les personnes âgées

La polypharmacie est très courante chez les personnes âgées. En 2021, un quart des personnes de plus de 65 ans au Canada se sont vu prescrire plus de dix classes de médicaments différentes. Au Québec, les personnes de plus de 65 ans ont consommé en moyenne 8,7 drogues différentes en 2016, dernière année disponible pour les statistiques.

Est-ce une bonne idée de prendre autant de médicaments ?Selon notre étude, la grande majorité des personnes âgées et des proches aidants seraient prêtes à arrêter de prendre un ou plusieurs médicaments si le médecin leur disait que cela était possible, même si la plupart sont satisfaites de leurs traitements, ont confiance en leur médecin et estiment que celui-ci prennent soin d’eux au mieux de leurs capacités.

Dans la majorité des cas, les prescripteurs de médicaments aident la personne qu’ils soignent. Les médicaments ont un impact positif sur la santé et sont indispensables dans de nombreux cas. Mais si le traitement des maladies individuelles est souvent adéquat, l’ensemble peut parfois devenir problématique.

Les risques de la polypharmacie : 5 points à considérerLorsque nous évaluons les cas de polypharmacie, nous constatons que la qualité du traitement est souvent compromise lorsque de nombreux médicaments sont pris.

1. Interactions médicamenteuses : la polypharmacie augmente le risque d’interactions médicamenteuses, pouvant entraîner des effets indésirables ou réduire l’efficacité des traitements.

2. Un médicament qui a un effet positif sur une maladie peut avoir un effet négatif sur une autre : que faire si quelqu’un souffre des deux maladies ?3. Plus le nombre de médicaments pris est élevé, plus le risque d'effets indésirables est grand : chez les adultes de plus de 65 ans par exemple, le risque de confusion ou de chutes est accru, avec des conséquences importantes.

4. Plus une personne prend de médicaments, plus elle est susceptible de prendre un médicament potentiellement inapproprié. Pour les personnes âgées, ces médicaments comportent généralement plus de risques que d’avantages. Par exemple, les benzodiazépines, médicaments contre l’anxiété ou le sommeil, constituent la classe de médicaments la plus fréquemment utilisée. Nous souhaitons réduire au maximum leur utilisation pour éviter les impacts négatifs tels que la confusion et l'augmentation des risques de chutes et d'accidents de voiture, sans oublier les risques de dépendance et de décès.

5. Enfin, la polypharmacie est associée à divers effets néfastes sur la santé, tels qu'une augmentation de la fragilité, des hospitalisations et des visites aux urgences. Cependant, les études menées jusqu'à présent n'ont pas toujours réussi à isoler les effets spécifiques à la polypharmacie. La polypharmacie étant plus fréquente chez les personnes atteintes de multiples maladies, ces maladies peuvent également contribuer aux risques observés.La polypharmacie est aussi une combinaison de médicaments. Il y en a presque autant que de personnes. Les risques de ces différentes combinaisons peuvent varier. Par exemple, les risques associés à une combinaison de cinq médicaments potentiellement inappropriés seraient certainement différents de ceux associés aux médicaments contre l’hypertension et aux suppléments vitaminiques.

La polypharmacie est donc complexe. Nos études tentent d’utiliser l’intelligence artificielle pour gérer cette complexité et identifier les combinaisons associées à des impacts négatifs. Il reste encore beaucoup à apprendre sur la polypharmacie et son impact sur la santé.

3 conseils pour éviter les risques liés à la polypharmacieQue pouvons-nous faire en tant que patient ou soignant ? Posez des questions : lorsque vous ou un de vos proches se voit prescrire un nouveau traitement, soyez curieux. Quels sont les bienfaits du médicament ? Quels sont les effets secondaires possibles ? Est-ce que cela correspond à mes objectifs et à mes valeurs de traitement ? Combien de temps doit durer ce traitement ? Y a-t-il des circonstances dans lesquelles son arrêt devrait être envisagé ?

Gardez vos médicaments à jour : assurez-vous qu’ils sont tous encore utiles. Y a-t-il encore des avantages à les prendre ? Est-ce qu'il y a des effets secondaires? Y a-t-il des interactions médicamenteuses ? Un autre traitement serait-il meilleur ? Faut-il réduire la dose ?

Pensez à la déprescription : il s'agit d'une pratique clinique de plus en plus courante qui consiste à arrêter ou à réduire la dose d'un médicament inapproprié après avoir consulté un professionnel de santé. Il s’agit d’un processus décisionnel partagé qui implique le patient, sa famille et les professionnels de la santé. Le Réseau canadien sur le bien-fondé des médicaments et la déprescription est un chef de file mondial dans cette pratique. Il a compilé un certain nombre d'outils pour les patients et les cliniciens. Vous pouvez les retrouver sur leur site internet et vous inscrire à la newsletter.Les avantages doivent l'emporter sur les risques

Les médicaments sont très utiles pour rester en bonne santé. Il n’est pas rare que nous devions prendre davantage de médicaments à mesure que nous vieillissons, mais cela ne doit pas être considéré comme une fatalité.

Chaque médicament que nous prenons doit avoir des bénéfices directs ou futurs qui dépassent les risques qui y sont associés. Comme pour bien d’autres questions, lorsqu’il s’agit de polypharmacie, l’adage « tout avec modération » s’applique fréquemment. (La conversation) NSANSA